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LES POÉSIES D'ANAGALLIS

- WLADYSLAW SZENGEL - POÈME "LA DÉPORTATION DES ENFANTS DE KORCZAK "-

 

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Wladyslaw Szlengel est né en 1914, à Varsovie. Son père, un artiste-peintre, a soutenu sa famille en peignant des affiches de films. Wladyslaw, tout en restant dans l'école, écrit des poèmes et des histoires courtes. Un certain nombre d'entre eux ont été publiés dans divers petits magazines. Plus tard, ses œuvres ont continué à apparaître, notamment dans les publications de Varsovie. Il était aussi un compositeur et produit des textes pour les cabarets. Il a également écrit des poèmes satiriques pour la presse et la scène.

Ses écrits ont été fermement ancrés dans la réalité. Après la création du ghetto de Varsovie, ils ont acquis une profondeur singulière. Un bon exemple est ce poème qu'il a écrit sur un courageux ami à lui qui veillait sur les enfants et réconforté les nazis envoyaient à la mort, Janusz Korczak:

Wladyslaw Szengel est mort exécuté par les allemands dans le Gehetto de Varsovie, le 8 mai 1943 lors du soulèvement du ghetto, poète, satiriste et acteur juif polonais, il écrivit des poèmes en polonais qui étaient lus et récités par les juifs maintenus prisonniers dans le ghetto. Ses textes furent redécouverts après la guerre et publiés.

 

 

La déportation des enfants de Korczak

Poème de Wladyslaw Szengel

Wladyslaw Szengel, qui ne survécut que de quelques mois à Korczak, a laissé un
témoignage bouleversant et violent du départ de la Maison des Orphelins pour
l’Umschlagplatz. ( l’orphelinat )

Aujourd’hui j’ai vu Janusz Korczak
Partir avec les enfants pour la dernière marche,
Les enfants proprement vêtus comme pour
La promenade au parc du dimanche.
Ils portaient leurs habits de fête -
Désormais on peut les salir -
En rang par cinq les orphelins traversaient la ville
Où se terraient les hommes traqués.
La ville avait un visage d’épouvante,
Masse étrangement écorchée et nue.
Elles regardaient la rue, les fenêtres creuses
Comme des orbites de mort.
Tantôt un cri comme un oiseau perdu
Payait le sonneur de la mort sans raison,
Indolemment passaient dans leurs rickshaws
Les messieurs de la situation.
Tantôt tohu-bohu, et tumulte, et silence.
A la volée fuyaient de furtives paroles,
Pétrifiée et muette d’horreur en oraison
Se dressait l’église de la rue Leszno.
Et là, par cinq, les enfants – calmement.
Nul n’essayait d’en tirer un du rang :
Des orphelins. Nul ne graissait la patte
Aux uniformes bleus.
Nulle intervention sur l’Umschlagplatz,
A l’oreille de Szmerling nul ne souffla mot,
Nul ne collecta les montres de famille
Au profit du soiffard Letton.

Janusz Korczak marchait, droit, quelques pas en avant
La tête nue, le regard sans frayeur,
Un enfant le tenait par la poche,
Lui-même portait deux petits dans ses bras.
Quelqu’un se précipita, un papier à la main,
Brailla nerveusement quelque explication :
– Vous pouvez revenir…. Il y a un ordre de Brandt.
Korczak en silence secoua la tête.
Il ne prit pas même la peine de leur expliquer,
A ces porteurs de la faveur allemande.
Comment faire entrer dans ces têtes sans âme
Ce que signifie laisser seul un enfant…
Tant d’années… sur cette route obstinée
Pour remettre à l’enfant le globe du soleil
Et maintenant le laisser atterré ?
Il ira avec eux… plus loin… jusqu’au bout…
Puis il pensa au roi Mathias
A qui le sort épargna malheur semblable,
Le roi Mathias sur l’île parmi les sauvages
Ne se fût pas conduit autrement.
Et déjà les enfants montaient dans les wagons
Comme pour une partie de campagne à Lagbaomer,
Et tel petit, avec son air hardi, aujourd’hui
Se sentait tout à fait "shomer".
J’ai songé en ce moment ordinaire,
Pour l’Europe un rien insignifiant, sans doute,
Que lui, pour nous, dans l’histoire, en ce même moment,
Inscrit là la plus belle page.
Que dans cette guerre aux Juifs, infâme,
Dans cette ignominie sans borne, ce chaos sans issue,
Dans ce combat pour la vie à tout prix,
Dans ces bas-fonds de tractations-trahisons,
Sur ce front où la mort est sans gloire,
Dans cette danse de cauchemar en pleine nuit,
Il y eu un unique héroïque soldat,
Janusz Korczak, tuteur des orphelins.
Est-ce que vous entendez, voisins de l’autre côté du mur,
Qui, au travers des barbelés, nous regardez mourir ?
Janusz Korczak est mort afin que nous
Aussi ayons notre Westerplatte*.

[Wladiyslaw Szengel (1914-1943),
Ce que j'ai lu aux défunts, Ghetto de Varsovie, 10 août
1942. Traduit du polonais par Yvette Métral
*A Westerplatter (presqu'île de la baie de Dantzig), en septembre 1939, 180 soldats polonais
résistèrent pendant 7 jours au bombardement d'un cuirassé et des avions allemands.]

 

 

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